L’Atlas a le plaisir d’inviter l’Atelier Goldstein et La « S » Grand Atelier à exposer les œuvres de quelques un.es des artistes dont ils accompagnent le travail, sous le commissariat de Noëlig Le Roux.

Alors que s’ouvre au Grand Palais une exposition consacrée à la Collection Bruno Decharme, exceptionnelle collection d’art brut (donnée au Centre Pompidou en 2021), L’Atlas choisit d’inviter ces deux ateliers.

Structures atypiques dans le paysage de l’art contemporain, ces lieux adaptés sont nés sous l’impulsion de personnalités convaincues qu’un accompagnement pouvait permettre à des artistes en situation de handicap mental de développer leur pratique et d’émerger sur la scène contemporaine.

Ces lieux alternatifs aux formes hybrides et qui peuvent jouer le rôle de poissons pilotes pour l’institution, mettent au cœur de leur projet les artistes qui trouvent là des espaces de travail et de diffusion. Les artistes disposent aussi de matériels et d’outils, d’une assistance technique et logistique, et d’une équipe à leur écoute composée majoritairement d’artistes. Ces centres artistiques sont en outre des lieux d’échanges, où des artistes invités interviennent et collaborent dans le cadre de résidences. S’y rend également le milieu professionnel (critiques, commissaires, conservat.eurs.rices, marchand.e.s, collectionneu.r.se.s), et un public amateur venant à l’occasion des expositions ou d’autres manifestations programmées dans leurs murs.

Comme le souligne Baptiste Brun à propos de La « S » Grand Atelier, ces lieux créent « un milieu propice à aider l’artiste en situation de handicap à s’affranchir de ce à quoi l’impensé de sa situation le confine, ainsi de l’incapacité technique, de la stéréotypie ou de l’automatisme »*. Les artistes qui y travaillent sont reconnus et se reconnaissent artistes à part entière – et non artiste brut ou outsider –sans que leur handicap ne soit pour autant dissimulé. Ils progressent de la marge vers le centre, acquièrent le droit à se former, à être reconnus et à transmettre à leur tour.

Si ces lieux partagent un dessein commun, ils ont chacun une identité qui leur est propre, forgée par une histoire singulière à laquelle la situation géographique n’est pas étrangère.

La « S » Grand Atelier voit ainsi le jour en 1992 à Vielsalm en périphérie d’une petite ville de la campagne ardennaise belge. Eloignée des circuits de l’art des grandes villes, sa directrice, Anne-Françoise Rouche, choisit à partir de 2006 d’inviter des artistes en résidence à collaborer avec les artistes de La « S ». Ces invitations ont encouragé de nouvelles pratiques collectives et ont ouvert de nouvelles perspectives d’échanges et d’expérimentations. La richesse de ces résidences a incité certains artistes extérieurs à revenir régulièrement après leur première expérience pour de nouveaux projets de cocréation. Au fil des années, La « S » Grand Atelier est devenue un modèle de partage et d’enchevêtrements de créations, où les talents s’épanouissent librement et où les barrières entre les mondes de l’art se déconstruisent.

L’Atelier Goldstein est fondé en 2001 à Francfort par Christiane Cuticchio. Après une expérience professionnelle auprès de jeunes en situation de handicap mental et la reconnaissance de talents artistiques chez certains d’entre eux jusqu’alors ignorés, cette ancienne scénographe et costumière, s’engage dans la création d’un lieu adapté aux contraintes rencontrées par les artistes en situation de handicap. Au fil des années, l’atelier s’est étoffé d’une équipe composée d’artistes issus des domaines de la peinture, du graphisme, de la sculpture, de la photographie, du cinéma et de la musique. Depuis le départ de Christiane Cuticchio, le lieu est dirigé par le duo Sophia Edschmid et Sven Fritz.

Depuis 2013, l’Atelier Goldstein gère aussi son propre espace d’exposition, la Goldstein Gallery, qui accueille des expositions, des résidences d’artistes (récemment étaient notamment invités Irène Gérard et Michiel de Jaeger de La « S » Grand Atelier), des conférences, des ateliers et des concerts. La transmission est aussi soutenue par l’atelier à travers l’Académie Goldstein créée en 2016. Les artistes de l’Atelier Goldstein, Julius Bockelt, Julia Krause-Harder, Franz von Saalfeld, Markus Schmitz, y travaillent comme conférenciers, enseignent dans des écoles primaires, dirigent des cours de développement professionnel et dispensent d’autres enseignements dans des écoles supérieures d’art.

* Baptiste Brun, « Ave Luïa ! Innocents (belges) ne sont pas ceux qu’on croit. Mixité, contamination et impureté à La « S » Grand Atelier », Les Cahiers du Musée national d’art moderne, hiver 2023/2024, n°166, Paris, Centre Pompidou, 2024, p.145.